Ann. Méd. Vét., 2007, 151 (S), pp 67-71 Ostéo-arthropathie interphalangienne dégénérative juvénile chez le cheval ardennais.Lejeune Jean-PhilippeRésumé :
Tout d’abord, nous avons caractérisé
la croissance et la morphométrie du
cheval ardennais grâce à l’étude du
groupe expérimental et l’utilisation
du modèle de Gompertz. La sigmoïde
de ce modèle représente fidèlement la
majorité des paramètres qui caractérisent
la morphologie des chevaux. Ces
courbes peuvent servir de points de
comparaison afin de suivre la croissance
d’un poulain ardennais. Les
proportions du modèle évoluent, avec
l’âge, du type cheval de selle au type
cheval de trait, plus lourd et plus compact.
Cette évolution engendre également
une augmentation progressive au
fil de la croissance du poids proportionnellement
porté par les membres.
L’équilibre du cheval est de plus toujours
reporté sur l’avant-main. Cette
morphologie peut par conséquent
occasionner des contraintes mécaniques
plus importantes sur les membres
antérieurs que chez un cheval de selle.
Ensuite nous avons décrit l’anatomie
et les changements dégénératifs de
l’extrémité digitale. L’utilisation de
la radiographie associée à la scintigraphie
et l’imagerie en résonance
magnétique nucléaire a permis la
description de particularités concernant
notamment les formes de phalanges
moyenne et distale mais aussi
un ligament suspenseur du naviculaire
plus fin chez certains individus. Cette
partie de l’étude a été menée sur 6
chevaux seulement et ne permet pas
de conclure quant à l’implication de
cette particularité dans la pathologie
articulaire. Nous avons démontré la
présence d’ossification des cartilages
complémentaires du pied chez de tous
jeunes poulains et décrit l’évolution
de l’ossification. Dans la majorité des
cas, il y avait deux noyaux d’ossification
séparés, l’un à la base du cartilage
et l’autre plus proximal. L’ossification
progressait dans le sens d’une fusion
de ces noyaux. Outre l’ossification des
cartilages complémentaires du pied,
les lésions osseuses majeures décrites
étaient, à cet âge, des enthéséophytes.
Il s’agit de néoformations osseuses
présentes au niveau d’insertions tendineuses
et ligamentaires. Dans ce cas,
les enthéséophytes étaient observés
sur les phalanges moyenne et distale
au niveau des insertions des ligaments
collatéraux et de la capsule articulaire
de l’articulation interphalangienne
distale et du tendon extenseur dorsal.
Ces enthéséophytes sont considérés
comme étant les signes de contraintes
mécaniques importantes et d’une
légère instabilité articulaire (Dyson,
2003) prédisposant à l’apparition
d’ostéo-arthropathie dégénérative. Les
examens macroscopique et microscopique
ont confirmé ces lésions et
ont de plus montré des lésions cartilagineuses.
La présence de lésions
osseuses et cartilagineuses sur les
jeunes chevaux ardennais nous a permis
de confirmer le diagnostic d’ostéo-
arthropathie dégénérative juvénile
(OADj).
Par après, nous avons caractérisé
l’évolution radiologique et l’impact
clinique de l’OADj. Les enthéséophytes
sont apparus dès l’âge d’un an.
Le nombre de chevaux atteints ainsi
que la taille des enthéséophytes ont
augmenté au fil de la croissance jusqu’à
atteindre 68,75 % des chevaux du
groupe expérimental. Un impact clinique
a été relevé. Les tests cliniques
les plus fréquemment positifs étaient
la surélévation de la partie externe du
pied et la surélévation des talons. Le
premier met sous contrainte notamment
la partie externe des articulations
interphalangiennes (Caudron et
al., 1998 ; Viitanen et al., 2003). Le
second test met sous tension le tendon
extenseur dorsal, la partie dorsale
des capsules interphalangiennes, les
ligaments interphalangiens collatéraux,
le tendon fléchisseur superficiel
et le ligament suspenseur du boulet
(Denoix, 1987). Ces structures mises
sous tension incluent celles correspondant
aux sites d’insertions présentant
des néoformations osseuses,
suggérant ainsi la relation entre les
lésions observées radiologiquement et
la boiterie induite. Cette partie du travail a également permis de répartir les
chevaux en quatre catégories selon des
critères radiographiques et cliniques.
La catégorie 1 reprend des chevaux
cliniquement et radiologiquement
sains, la catégorie 2 des chevaux cliniquement
sains et présentant des lésions
radiologiques légères, la catégorie 3
des chevaux boiteux avec des lésions
radiologiques légères et la catégorie 4
des chevaux boiteux avec des lésions
radiographiques modérées. Les chevaux
appartenant aux catégories 1 et 2
sont considérés comme sains (46,7 %)
tandis que ceux des catégories 3 et 4
sont considérés comme pathologiques
(53,3 %). La poursuite des études
devrait déterminer d’une part si des
signes radiologiques sévères d’OADj
apparaissent et d’autre part l’impact
clinique à long-terme, notamment lors
de la mise des chevaux au travail.
La suite des études a mis en relation
la pathologie et la morphométrie des
chevaux. La conformation des chevaux
et notamment les aplombs ont
une influence reconnue sur l’apparition
de boiterie (Ross, 2003). En ce
qui concerne le modèle du cheval, les
chevaux sains se distinguent par le
fait que leur gabarit est moins imposant
et que leur croissance semble plus
progressive que les chevaux pathologiques.
Le parage systématique des
chevaux selon les règles respectant la
biomécanique du pied a permis d’une
part une homogénéisation relative de
la forme des sabots et une diminution
de l’impact d’éventuels aplombs
défectueux mais a d’autre part rendu
plus difficile la mise en relation de la
morphométrie du pied avec l’OADj.
On a toutefois observé qu’un axe
paturon-pied rectiligne semblait être
un facteur significatif de protection
par rapport à l’OADj. Les perspectives
de cette partie de l’étude sont principalement
du domaine de la sélection.
Certaines observations telles la présence
d’enthéséophytes, un SNL plus
fin chez certains individus et le fait
que les chevaux pathologiques, malgré
un parage correcteur régulier qui
a diminué l’excès de talons, conservent
un angle paturon-pied augmenté,
nous ont conduits à émettre l’hypothèse
d’une laxité articulaire anormale
chez les chevaux pathologiques. Cette
hypothèse devrait être confirmée par
de plus amples études, notamment sur
les structures tendineuses et ligamentaires.
Enfin, le métabolisme cartilagineux
a été étudié sur base de fragments
de dégradation du collagène de type
II. La forme nitrée de ce marqueur
(Coll 2-1 NO2) semble être un marqueur
intéressant de la dégradation
cartilagineuse. L’augmentation de ce
marqueur chez les chevaux pathologiques
démontre une augmentation de la
nitration du fragment de collagène et
donc l’implication d’un phénomène
inflammatoire dans la pathophysiologie
de l’OADj. Des études futures
devront déterminer le site et l’origine
de cette nitration. Etant donné que le
Coll 2-1 NO2 reflète à la fois la dégradation
du cartilage et l’inflammation,
son dosage dans le plasma ou dans le
liquide synovial pourrait être utilisé
dans l’étude de la pathophysiologie
de diverses maladies articulaires chez
le cheval.
L’ostéocalcine et le CTX-1, marqueurs
du métabolisme osseux, ne
semblent pas apporter d’information
dans le cadre de cette pathologie.
L’explication avancée est que l’importance
des remodelages osseux observés
à ce stade ne serait pas suffisante
pour modifier les taux de ces marqueurs
dans la circulation générale.
L’étude de l’IGF-1 en tant que facteur
anabolique essentiel de la régulation
du métabolisme cartilagineux a permis
de mettre en évidence des taux
inférieurs chez les chevaux pathologiques
en comparaison avec les chevaux
sains. Un effet délétère potentiel de
ces taux inférieurs sur le métabolisme
cartilagineux et sur le développement
est ainsi suggéré en relation avec
l’OADj. Néanmoins, des études supplémentaires
devraient être menées
afin de notamment doser l’IGF-1 dans
l’articulation, d’étudier les différentes
protéines de liaison de l’IGF-1 dans
le plasma et dans l’articulation ainsi
que les corrélations avec de marqueurs
du métabolisme cartilagineux et/ou
osseux.
En conclusion, l’application d’un examen
radiographique combiné à un
examen clinique devrait permettre de
sélectionner efficacement et précocement
des chevaux aptes à la pratique
d’activités sportives et/ou de loisir.
L’identification de paramètres de la
morphologie en tant que facteurs de
risque de l’OADj pourrait être également
importante pour la sélection
précoce de chevaux sains. Les marqueurs
sanguins tels le Coll 2-1 NO2
et l’IGF-1 devraient se révéler être
des outils performants dans l’étude de
pathologies articulaires diverses chez
le cheval. Obtenir le PDF Personne de contact : JPH.Lejeune@ulg.ac.be |