Ann. Méd. Vét., 2007, 151 (S), pp 51-54 Etude de la recombinaison chez l’herpèsvirus bovin 1 : virulence des virus recombinants
délétés dans le gène de la glycoprotéine E et localisation génomique des événements
de recombinaisonMuylkens BenoîtRésumé :
Les études développées au cours de
cette thèse génèrent plusieurs questions
fondamentales par rapport à la
stratégie de lutte mise en oeuvre pour
lutter contre l’IBR, à l’évolution des
souches de BoHV-1 et à l’impact de
la recombinaison chez les alphaherpèsvirus.
Par ailleurs, ce travail suscite
de nombreuses perspectives, tant
au niveau de la recherche fondamentale
qu’appliquée.
La première conclusion concerne
l’utilisation des vaccins vivants
marqués gE négatifs dans le cadre
de la lutte contre l’IBR. Plusieurs
pays européens, parmi lesquels la
Belgique, ont mis en place des programmes
de contrôle du BoHV-1
basés sur l’utilisation de souches de
BoHV-1 avirulentes marquées par la
délétion du gène de gE. L’utilisation
d’un test sérologique basé sur la mise
en évidence des anticorps dirigés
contre gE a mis en place une véritable
pression de sélection qui donne
l’avantage aux bovins présentant une
réaction négative envers gE. En effet,
ces derniers, présumés sains, sont
maintenus dans les troupeaux vaccinés
où ils participent au renouvellement
des générations de bovins. Nous
avons posé dans ce travail la question
de la virulence présentée par de virus
recombinants gE négatifs issus de la
coinfection entre une souche vaccinale
gE négative et une souche sauvage
du BoHV-1. En d’autres termes,
nous voulions savoir si la délétion en
gE était garante du phénotype avirulent
du BoHV-1.
Les deux premières études indiquent
clairement que le caractère gE négatif
peut être associé à une virulence
conservée du BoHV-1. L’introduction
de la délétion de gE par la recombinaison
entre souches de BoHV-1
a des conséquences variables qui
dépendent probablement de déterminants
de souches échangés au cours
de la recombinaison. Ces observations
contribuent à une évaluation
balancée prenant en considération,
d’une part l’efficacité, et d’autre part
la biosécurité des vaccins vivants
marqués utilisés contre le BoHV-1.
Une recommandation prioritaire,
relative à la voie d’administration
de ces vaccins vivants gE négatifs,
pourrait être émise. Le recours à une
administration intramusculaire pourrait
réduire le risque d’apparition de
recombinants gE négatifs. En terme
de perspective, il reste à déterminer
si ces recombinants gE négatifs du
BoHV-1 peuvent (i) apparaîre dans
les conditions naturelles d’infection
et de vaccination ; (ii) s’installer et se
transmettre au sein de la population
bovine. Une caractérisation à grande
échelle est déjà envisagée pour les
souches isolées dans les troupeaux
infectés où la vaccination est couramment
pratiquée par voie intranasale.
Le recours à des marqueurs SNP mis
au point dans la troisième étude permettra
une approche ciblée du problème.
La deuxième conclusion a trait à
l’utilisation de vaccins et/ou de vecteurs
vivants atténués obtenus à partir
d’herpèsvirus comme moyen prophylactique
ou thérapeutique chez
l’homme et chez les animaux. Ces
souches atténuées sont élaborées, le
plus souvent, par l’introduction de
mutations ou de marqueurs qui en
assurent l’innocuité. Or, une fois que
ces souches sont introduites dans une
population humaine ou animale, il
est légitime, selon les résultats observés
au cours de cettte thèse, de poser
la question de l’émergence de virus
recombinants présentant une virulence
modifiée par rapport à celle qui
a été observée lors de l’enregistrement
de ces souches atténuées.
La troisième étude soulève la question
du rôle de la recombinaison dans
l’évolution des souches de BoHV-1,
et plus généralement des alphaherpèvirus.
En effet, l’apparition d’un
grand nombre de combinaisons génétiques,
à l’issue d’un seul cycle de
multiplication de deux souches virales,
montre une grande diversité génétique
créée par la recombinaison. Que
ces combinaisons virales différentes
fussent le fruit de crossing-overs
multiples ou de conversions géniques
associées à un premier événement de
recombinaison, le brassage de gènes
n’en demeure pas moins considérable.
La comparaison des fréquences
de recombinaison observées à la
fréquence des mutations spontanées
apparaissant au cours de la réplication
des Herpesviridae renforce l’idée
selon laquelle la recombinaison pourrait
être un moteur évolutif chez les
herpèsvirus (Thiry et al., 2005). En
effet, et bien au-delà de la transmission
de la délétion du gène de gE, la
recombinaison pourrait jouer le rôle
disséminateur de caractères génotypiques
favorables à la persistance du
virus au sein d’une population animale.
Il est même envisageable que
des facteurs d’adaptation, plutôt que
des facteurs de virulence, soient l’objet
de telles recombinaisons.
La dernière étude ouvre la voie à
différentes perspectives. Au niveau
expérimental, une première approche
pourrait consister à évaluer l’impact
de la recombinaison de manière
prolongée après la coinfection entre
deux souches. La mise en présence
des deux souches pourrait être suivie
par des passages successifs en
culture de cellules. De cette façon, la
dynamique de recombinaison et ses
conséquences seraient envisagées sur
un plus long terme. Quel sera le devenir
des combinaisons parentales ?;
Certains recombinants pourraient-ils
s’imposer aux autres ? Ces questions
pourraient être adressées de manière
plus pertinente encore par une expérience
sur un groupe de bovins, dans
lequel ne seraient introduits que deux
animaux infectés, l’un par une souche
parentale et l’autre par la deuxième.
Les virus excrétés par des bovins
sentinelles placés au contact des
bovins infectés seraient caractérisés
et renseigneraient de l’impact de la
recombinaison en situation naturelle
de coinfection.
Des analyses phylogénétiques d’isolats
peuvent aussi être envisagées
dans différentes populations animales
infectées par différentes souches
et sous-types d’herpèsvirus. A
la lumière des résultats récemment
obtenus chez l’HSV-1 (Norberg et
al., 2004) et le BoHV-4 (Dewals et
al., 2006), ces analyses réalisées chez
d’autres herpèsvirus permettraient de
valider l’obstinante hypothèse du rôle
fondamental de la recombinaison au
cours de l’évolution de cette famille
virale sophistiquée. Obtenir le PDF Personne de contact : bmuylkens@ulg.ac.be |