Ann. Méd. Vét., 2007, 151 (S), pp 27-30 Validation de l’haptoglobine sérique, marqueur de l’inflammation aiguë
dans l’espèce bovine.Humblet Marie-FranceRésumé :
Les bovins d’élevage doivent être
suivis régulièrement pour prévenir
ou guérir les maladies parasitaires,
bactériennes et virales dont ils peuvent
être atteints. En général, le traitement
n’est instauré qu’après l’apparition des
signes cliniques. De plus, certaines
affections ne sont pas traitées ou ne
le sont que tardivement, car elles
existent sous une forme sub-clinique
qui atteint l’individu ou le troupeau
entier et s’accompagne d’une chute des
productions (croissance, viande, lait) non
décelable immédiatement. Découvrir
à temps l’apparition de ces maladies
permettrait de les soigner précocement
afin de réduire les chutes de production
et d’améliorer l’issue du traitement. Le
moyen d’y parvenir serait de disposer
d’un marqueur non spécifique, c’est-àdire
un marqueur qui se manifesterait
quelle que soit la cause des troubles
et donc quelle que soit la pathologie
impliquée. Il devrait également pouvoir
être mis en évidence avant l’apparition
des signes cliniques, et lors de
pathologies sub-cliniques. Idéalement,
il ne devrait jamais être présent chez les
animaux en bonne santé, ou du moins
se trouver dans des valeurs inférieures à
celles définissant l’état de maladie.
Au cours de nos études successives,
nous avons démontré que l’haptoglobine
pouvait être considérée, dans l’espèce
bovine, comme un excellent marqueur
de l’inflammation aiguë, que ce soit
lors d’infections naturelles, mais également
expérimentales. L’haptoglobine
a répondu positivement lors de pathologies
respiratoires chez le veaux, lors
de mammites expérimentales chez des
vaches laitières primipares, et lors d’infections
utérines et articulaires aiguës
chez des vaches laitières en post-partum.
Le suivi de troupeaux laitiers a permis
de mettre en évidence une augmentation
physiologique des concentrations sériques
de l’haptoglobine au moment du
vêlage. Il est donc déconseillé de l’utiliser
en tant que marqueur de l’inflammation
pendant la première semaine après
le vêlage, avec une grande variabilité
individuelle. Cette réponse est généralement
plus marquée chez les primipares
que chez les multipares. En associant
le dosage de l’haptoglobine à ceux préconisés
pour la détection des maladies
métaboliques survenant après le part,
les animaux pourraient être suivis utilement
afin d’intervenir rapidement pour
prévenir et corriger les troubles dès leur
apparition et avant toute possibilité de
diagnostic clinique.
L’haptoglobine présente toutes les
caractéristiques d’un marqueur idéal de
l’inflammation aiguë. Ses concentrations
chez les vaches et les veaux en bonne
santé sont très basses voire indétectables,
et elles peuvent présenter des
augmentations très sévères (jusqu’à plus
de mille fois leur taux physiologique) lors
de pathologies inflammatoires aiguës,
ce qui facilite la décision médicale. Ses
taux sériques reviennent à la normale
plus rapidement lorsque le traitement est
efficace, mais restent par contre élevés
si le traitement n’est pas efficace ou s’il
n’est pas administré pendant un laps de
temps suffisamment long. Et enfin, elle
pourrait s’avérer intéressante pour la
décision d’appliquer un traitement antiinflammatoire,
chez des veaux souffrant
de bronchopneumonie par exemple.
Par rapport au fibrinogène, l’haptoglobine
présente une réponse plus précoce,
et revient à des niveaux physiologiques
après un laps de temps plus court, ce qui
permet notamment de vérifier rapidement
l’efficacité d’un traitement.
Le dosage de l’haptoglobine présente
également plusieurs avantages sur celui
de l’amyloïde A sérique. Nous avons
observé un plus grand nombre de faux
positifs avec l’amyloïde A sérique. Bien
que ce soit un marqueur plus précoce
que l’haptoglobine, sa demi-vie est également
beaucoup plus courte, il serait
donc intéressant d’utiliser ces deux marqueurs
en routine. Mais le dosage de
l’amyloïde A sérique est de loin plus
onéreux et plus lourd à mettre en oeuvre
que celui de l’haptoglobine ; le délai
d’obtention des résultats est nettement
plus long pour l’amyloïde A sérique que
pour l’haptoglobine. A cause de ces différents
aspects, le dosage de l’haptoglobine
semble être mieux adapté à des
analyses de routine.
Le dosage de l’haptoglobine dans le
lait est un pas de plus qui a été franchi
récemment par plusieurs équipes européennes.
Les test développés dans cette
optique font appel à des techniques
immunologiques parfois lourdes à mettre
en oeuvre, et surtout plus coûteuses,
donc difficilement applicable dans un
diagnostic de routine. Il serait intéressant
de disposer d’un test, de type tigette, qui
pourrait permettre à l’éleveur de mettre
en évidence la présence d’haptoglobine
dans le lait au moment de la traite par
exemple, ce qui faciliterait la détection
précoce des phénomènes infectieux et
inflammatoires se développant au niveau
de la glande mammaire.
Le screening de l’état de santé des
animaux abattus pour la consommation
humaine pourrait être amélioré par le
dosage systématique de l’haptoglobine.
De nouvelles approches de surveillance
sanitaire doivent être envisagées
comme c’est déjà le cas chez le porc,
en passant d’une médecine individuelle
à une médecine de troupeau, afin de
départager les exploitations et non plus
les individus. Pour cela, l’ haptoglobine
représente un outil approprié, à spectre
suffisamment large et dont les limites de
détection sont connues. La prévalence
d’un tel marqueur étudiée à l’échelle
d’un troupeau permettrait de connaître
son état de santé dans le double but
d’évaluer la qualité de son management
et de déterminer la nécessité ou non
d’une intervention médicale ; en effet, la
tendance actuelle en médecine bovine est
de pratiquer une médecine de troupeau.
Dans cette optique, une étude à grande
échelle est indiquée afin d’établir avec
plus de précision le seuil de prévalence
qui permettrait de classer les troupeaux
en fonction de leur état de santé. Obtenir le PDF Personne de contact : mfhumblet@ulg.ac.be |