Ann. Méd. Vét., 2007, 151 (S), pp 21-26 Contribution à l’étude de la fonction vésico-urétrale chez la chienneHamaide AnnickRésumé :
Les techniques de profilométrie et de
cystométrie validées au cours de ce
travail nous ont permis d’établir des
valeurs de référence des paramètres
urodynamiques chez la chienne saine.
Lors des cystométries rétrogrades, un
débit d’infusion vésicale de 20 ml/min
s’est avéré trop rapide car il engendre
une augmentation brutale de la pression
vésicale, entraînant la présence de
sang dans les urines chez la moitié des
chiennes. Lors de débit de remplissage
rapide non physiologique, la pression
n’est pas liée au remplissage vésical
mais reflète uniquement une réponse
du muscle détrusor au débit rapide qui
entraîne des dommages mécaniques
aux récepteurs pariétaux, terminaisons
nerveuses, cellules et jonctions cellulaires
(Klevmark, 1999). Par contre,
un débit d’infusion vésicale de 10
ml/min peut être recommandé pour
l’investigation clinique de la fonction
vésicale, puisque les valeurs urodynamiques
obtenues sont comparables à
celles obtenues avec une cystométrie à
5 ml/min. Cela permet de raccourcir le
temps d’anesthésie générale. La cystométrie
par diurèse forcée est par contre
la technique de choix pour l’investigation
expérimentale de la fonction vésicale.
En effet, elle permet d’obtenir un
remplissage vésical plus « physiologique
», résultant en un volume seuil et
une compliance vésicale plus élevées.
La longueur d’anesthésie générale
requise la rend cependant peu envisageable
en clinique.
Les hormones endogènes influencent
la fonction et la morphologie du
tractus urinaire chez la chienne.
Ainsi, les oestrogènes augmentent
la résistance urétrale et la pression
vésicale. Cependant, la modification
urodynamique la plus importante
au cours du cycle oestral, c’està-
dire la diminution franche de la
résistance urétrale, est détectée lors
de l’inversion hormonale survenant
à l’oestrus et au début du dioestrus.
Il semble que les 2 changements
hormonaux concomitants affectent la
fonction sphinctérienne de manière
plus importante que le changement
de concentration en oestrogènes
seule. La diminution de la résistance
urétrale peut être expliquée par la
concentration élevée en progestérone,
qui, chez la femme, antagonise
l’augmentation du flux sanguin urétral
induite par les oestrogènes (Batra et
al., 1985), et dont l’effet facilitateur
sur les récepteurs a-adrénergiques
urétraux a été mis en évidence chez
la chienne et chez la femme (Levin
et al., 1980). L’augmentation de la
pression vésicale associée à une faible
compliance observée lors du prooestrus
et de l’oestrus peut être attribuée à
l’augmentation de la concentration
en oestrogènes, qui augmentent
la concentration en récepteurs α-
adrénergiques et muscariniques
vésicaux, entraînant une stimulation de
la contraction du muscle détrusor. Par
contre, l’augmentation de la pression
vésicale, sans diminution associée
de la compliance, observée au cours
des phases lutéales peut être due aux
propriétés natriurétiques et diurétiques de la progestérone (O’Brien et al.,
1980 ; Elkik et al., 1981), puisqu’une
augmentation du volume seuil est
observée lors du dioestrus.
Les dimensions urétrales et vaginales
sont augmentées durant les chaleurs.
L’augmentation de la longueur urétrale,
pourrait être liée à une augmentation
du volume tissulaire vésico-urétral
sous l’effet de la concentration
maximale en oestrogènes (Shapiro,
1986 ; Batra et Andersson, 1989 ;
Longhurst et al., 1992).
Il est intéressant de noter que les
modifications urodynamiques rencontrées
chez les chiennes âgées, à
savoir une diminution des pressions
urétrale et vésicale, couplée à une augmentation
du volume seuil et de la
compliance vésicale sont identiques
à celles observées chez des chiennes
d’âge moyen lors des phases lutéales
et chez des chiennes incontinentes
souffrant d’ISU (Nickel et van den
Brom, 1997).
L’administration de PPA SID augmente
significativement la résistance
urétrale en termes et de pression urétrale
et de surface fonctionnelle, alors
que l’administration d’éphédrine BID
n’augmente que les pressions urétrales.
La surface fonctionnelle est une
meilleure estimation de la compétence
du sphincter urétral que les valeurs de
MUCP et FPL (Wolters et al., 2002) et
constitue un paramètre important dans
l’évaluation de la fonction urétrale.
A l’inverse, l’administration de doses
quotidiennes multiples de PPA n’a
modifié aucun des paramètres urodynamiques
par rapport à leurs valeurs
de base. Bien que la désensibilisation
des récepteurs urétraux α-adrénergiques
soit un sujet controversé,
cette observation pourrait suggérer
qu’un certain degré de désensibilisation
puisse apparaître après l’administration
de doses multiples de PPA.
Il apparaît donc que l’administration
quotidienne unique de PPA soit plus
efficace que les autres protocoles
étudiés pour augmenter la résistance
urétrale. L’efficacité de ce protocole
reste à confirmer chez des animaux
souffrant d’ISU.
Il est à noter qu’aucun traitement n’a
modifié la forme de la courbe du profil
urétral en région distale, suggérant
une absence de stimulation adrénergique
dans la partie distale de l’urètre.
Aucune modification urodynamique
n’a été observée entre la première et
la deuxième semaine de traitement.
L’efficacité clinique de l’administration
de PPA ou d’éphédrine pourrait
dès lors être déterminée après une
semaine de traitement.
L’administration de PPA et d’éphédrine
augmente la pression artérielle
moyenne et diastolique, probablement
suite à un accroissement de la
résistance vasculaire due à la stimulation
des récepteurs α1-adrénergiques
présents au niveau artério-veineux.
L’utilisation de substances α-adrénergiques
chez des chiennes souffrant
par ailleurs d’une pathologie cardiovasculaire
nécessite donc un monitoring
régulier, notamment lors d’emploi
d’une multi-thérapie susceptible
d’induire une tachycardie ou chez des
races prédisposées à un tonus vagal
exagéré.
Les oestrogènes exogènes agissent
essentiellement au niveau du mécanisme
sphinctérien urétral, en augmentant
la résistance urétrale. Cet
effet avait été observé, à une moindre
échelle, sous l’influence des oestrogènes
endogènes. Les mécanismes
responsables restent à déterminer et
pourraient inclure une augmentation
du nombre de récepteurs α-adrénergiques,
de la densité collagénique, de
la vascularisation sinusoïdale urétrale,
ou encore un épaississement de la
paroi urétrale. Des changements liés à
la maturation épithéliale ont d’ailleurs
été observés sur les frottis vaginaux
des chiennes traitées, suggérant
qu’un épaississement de la paroi urétrale
pourrait effectivement jouer un
rôle. L’ISU étant caractérisée par une
diminution de la résistance urétrale,
l’action des oestrogènes exogènes au
niveau du mécanisme sphinctérien
pourrait expliquer leur effet bénéfique
dans le traitement de cette pathologie.
Par ailleurs, l’augmentation de la surface
fonctionnelle observée après le
traitement à l’oestriol est due à un
accroissement de la courbe de profil
urétral dans sa partie distale. Cette
observation pourrait suggérer que les
oestrogènes puissent également jouer
un rôle au niveau de la musculature
striée urétrale ou péri-urétrale, de
façon comparable au renforcement des
muscles du plancher pelvien observé
chez la femme après une supplémentation
en oestrogènes.
Contrairement aux oestrogènes endogènes,
les oestrogènes exogènes n’a
pas induit de modification de la fonction
vésicale. Cependant, le nombre
limité d’animaux ne nous permet
pas de tirer des conclusions quant à
l’éventuelle absence d’effet de l’oestriol
sur la fonction vésicale. De plus,
le manque de connaissances des changements
structurels vésicaux après la
stérilisation rend difficile toute spéculation
quant aux changements urodynamiques
à attendre après une supplémentation
oestrogénique.
L’ajout de PPA à l’administration
d’oestriol n’a pas engendré de modifications
urodynamiques supplémentaires,
comparé au traitement à l’oestriol
seul, qui par ailleurs est plus efficace
que l’association médicamenteuse
pour augmenter la résistance urétrale,suggérant peut-être un certain degré
de désensibilisation des récepteurs
oestrogéniques. Ce phénomène a été
décrit par Batra et Iosif (1992) qui ont
observé, après une augmentation initiale
de la densité des récepteurs oestrogéniques,
une chute de cette densité
après une semaine de traitement. Ils
ont également décrit chez le lapin une
diminution de l’activité de la peroxydase,
marqueur de l’activité oestrogénique,
après un traitement prolongé
aux oestrogènes.
L’administration d’oestrogènes exogènes
n’a entraîné aucune modification
morphologique de la portion basse du
tractus urogénital. Cette constatation ne
corrobore ni l’augmentation de masse
tissulaire observée après supplémentation
oestrogénique chez le lapin et le
rat (Shapiro, 1986 ; Batra et Andersson,
1989 ; Longhurst et al., 1992), ni
l’élargissement du vagin décrit chez la
chienne sous l’influence d’oestrogènes
exogènes ou endogènes (Sokolowski
et al., 1973 ; Holt et al., 1984). Il est
possible qu’un traitement d’une durée
totale de 2 semaines ne soit pas suffisamment
long pour nous permettre
d’observer des changements morphologiques
chez la chienne, bien que des
résultats obtenus après une semaine de
supplémentation en oestrogènes aient
été validés chez le lapin (Batra et Iosif,
1992 ; Ekstrom et al., 1993).
Les résultats de ce travail laisse entrevoir
de nombreuses perspectives d’investigations
futures.
Les effets thérapeutiques de l’administration
unique de PPA, ainsi que
de l’association PPA-oestriol chez des
chiennes souffrant d’ISU sont à déterminer.
Les mécanismes par lesquels les oestrogènes
augmentent la résistance urétrale,
parmi lesquels l’augmentation
des récepteurs adrénergiques, de la
vascularisation urétrale, et de l’urothélium
urétral, sont à investiguer respectivement
par immunohistochimie,
échographie Doppler, et histologie.
L’étude de la distribution des récepteurs
urétraux, péri-urétraux et vésicaux,
ainsi que leur éventuelle modification
en cas de stérilisation, permettra
d’interpréter les résultats urodynamiques
obtenus au cours de ce travail.
Enfin, l’utilisation de la télémétrie
nous permettrait d’acquérir des données
importantes sur la physiologie de
la miction, nous permettant ainsi de
confirmer ou d’infirmer les connaissances
physiologiques actuelles de
la fonction vésico-urétrale chez la
chienne. Obtenir le PDF Personne de contact : Annick.Hamaide@ulg.ac.be |