Ann. Méd. Vét., 2005, 149 (C), pp 24-32 Génétique et régulation de la virulence bactérienne : vers la version moléculaire des postulats de KochMAINIL J.Résumé :
De nombreux gènes qui codent pour des propriétés de virulence des bactéries ont une origine étrangère, comme l’attestent le G+C % et le taux préférentiel d’usage des codons. Après leur entrée dans la cellule bactérienne, ces gènes sont incorporés de manière stable dans le génome bactérien, sur des structures particulières d’ADN qui sont présentes sur le chromosome bactérien ou qui «vivent» dans le cytoplasme bactérien en tant que réplicons indépendants. Dans l’ordre chronologique de leur découverte,
les (bactério)phages, plasmides, transposons et îlots de pathogénicité ont été décrits au 20e siècle.
Les phages, ou virus des bactéries, peuvent interagir de deux manières différentes avec la cellule bactérienne : le cycle lytique et le cycle non lytique. Dans le second cas, le phage co-existe de manière stable avec la cellule bactérienne, soit intégré dans le chromosome bactérien, soit comme un plasmide. Ces phages sont appelés phages tempérés et leur forme intracellulaire, prophages. Les plasmides sont des
molécules circulaires d’ADN double-brin de petite taille qui «vivent» librement dans le cytoplasme bactérien, bien qu’ils dépendent en partie de la machinerie enzymatique bactérienne pour leur réplication et pour la transcription de leurs gènes. Ils peuvent aussi s’auto-transférer horizontalement entre cellules bactériennes
par la conjugaison plasmidique. Les transposons sont des fragments linéaires d’ADN double-brin qui peuvent «sauter», avec ou sans réplication simultanée, du chromosome bactérien sur un plasmide ou d’un site sur un autre site du chromosome. En plus des gènes nécessaires à la réplication, à l’intégration, à la conjugaison et/ou à la transposition, la présence de gènes qui codent pour des adhésines, des toxines, ou d’autres propriétés impliquées dans la pathogénie des infections bactériennes, aussi bien à bactéries
Gram positives que Gram négatives, est bien connue depuis de nombreuses années.
La structure génétique la plus récemment décrite est «l’îlot de pathogénicité». Ces îlots de pathogénicité sont des fragments linéaires d’ADN double-brin d’une taille variant entre 10 et 200 kilobases qui sont intégrés dans le chromosome bactérien ou, plus rarement, sur un plasmide de grande taille. Ils sont insérés à hauteur de sites spécifiques d’intégration (ou «hot-spots of integration»), fréquemment situés à hauteur
des régions qui codent pour des ARN de transfert. Ils peuvent être perdus par délétion «en bloc». Par définition, les îlots de pathogénicité sont porteurs de gènes qui codent pour des propriétés de virulence prouvées ou suspectées. Ils ont été décrits dans de nombreuses espèces bactériennes Gram négatives, mais aussi dans certaines espèces bactériennes Gram positives.
Quelle que soit leur localisation, l’expression des gènes de virulence est régulée par différents mécanismes, sous l’influence de paramètres extérieurs : molécules chimiques, température, pH, présence/absence d’oxygène…, ainsi que sous l’influence d’événements stochastiques. Ces régulations se produisent via des réarrangements génétiques, des régulations transcriptionnelles et/ou des modifications post-traductionnelles.
Un mécanisme particulier de régulation de l’expression de gènes de virulence est le système de «quorum-sensing» dans lequel l’expression des gènes est sous l’influence de la concentration de molécules (auto-inducteurs) synthétisées et sécrétées dans le milieu extérieur par des cellules bactériennes appartenant à la même espèce. Ces systèmes de «quorum-sensing» sont le sujet de la 5e leçon.
L’existence de gènes codant pour des propriétés spécifiques qui rendent pathogènes certaines ou toutes les souches d’une espèce bactérienne ont amené Stanley Kalkow en 1984 à proposer la version moléculaire des postulats de Koch, ou postulats de Koch pour gènes : (i) le gène doit être présent dans les souches associées à la pathologie et pas dans les autres ; (ii) la mutation de ce gène doit réduire fortement, sinon abolir, le pouvoir pathogène de ces souches et (iibis) la complémentation en trans doit permettre la
restauration du pouvoir pathogène ; (iii) l’expression in vivo du gène doit être démontrée ; et (iv) des anticorps spécifiques doivent être produits et conférer une protection, au moins partielle, contre la maladie. Obtenir le PDF Personne de contact : JG.Mainil@ulg.ac.be |