Ann. Méd. Vét., 2005, 149 (C), pp 05-14 Colonisation des muqueuses :
facteurs d’adhésion et leurs interactions avec les cellules de l’hôteMAINIL J.Résumé :
La première étape de nombreuses infections bactériennes est la colonisation des surfaces de
l’hôte, c’est-à-dire les muqueuses et la peau. L’adhésion des bactéries aux muqueuses est médiée par des structures présentes à la surface de la cellule bactérienne, appelées adhésines, qui interagissent avec des composants présents à la surface de la cellule eucaryote ou à hauteur de la matrice extra-cellulaire, appelés récepteurs. Les propriétés d’adhésion des bactéries furent décrites pour la première fois au début du 20e siècle, mais l’étude des adhésines bactériennes ne débuta véritablement que dans les années 1950.
Aujourd’hui des dizaines d’adhésines bactériennes sont connues, ainsi que trois types d’interactions adhésines-récepteurs : protéine-carbohydrate, protéine-protéine et hydrophobine-hydrophobine.
Les lectines sont les adhésines bactériennes les plus étudiées. De nature protéique, elles ont été classées en différents groupes sur base de leurs propriétés d’hémaglutination, leurs ultrastructures et leurs spécificités de récepteurs. Parmi les bactéries Gram négatives, les lectines du premier groupe sont responsables d’hémaglutination sensible au mannose et présentent une structure de nature fimbriaire (fimbriae de type 1) ; celles du deuxième groupe sont responsables d’hémaglutination résistante au mannose et présentent une structure de nature fimbriaire ou fibrillaire ; celles du troisième groupe sont aussi responsables d’hémaglutination résistante au mannose, mais ne sont ni des fimbriae, ni des fibrillae ; enfin, celles du quatrième groupe ne provoquent pas d’hémaglutination. Les lectines de type fimbriaire ou fibrillaire sont si nombreuses
que plusieurs schémas de classification ont été proposés, basés sur leur ultra-structure précise, leur composition moléculaire et/ou leur spécificité antigénique, sans qu’aucune ne donne pleine satisfaction.
Les lectines des bactéries Gram positives sont associées au peptidoglycan de ces bactéries et représentent des structures distinctes apparaissant à la surface de la cellule bactérienne. Les récepteurs de nature carbohydrate de ces adhésines de type lectine sont des domaines de glycoprotéines ou glycolipides assurant les contacts entre cellules de l’hôte ou faisant partie d’une cascade intra-cellulaire de transmission d’un signal d’origine externe. Pour certaines lectines cependant, le récepteur est de nature oligo-peptidique et fait partie d’une protéine plus grande.
L’adhésion bactérienne peut aussi s’accomplir par l’intermédiaire de protéines de la surface bactérienne, présentes dans la membrane externe de la bactérie Gram négative ou associée au peptidoglycan de la bactérie Gram positive, qui interagissent avec des protéines présentes dans la membrane cytoplasmique de la celllule eucaryote ou dans la matrice extra-cellulaire. Le troisième type d’adhésion bactérienne aux surfaces de l’hôte est assurée par des composants hydrophobes des surfaces des cellules bactériennes et eucaryotes (= hydrophobines), le plus fréquemment des lipides et des domaines hydrophobes de protéines.
La colonisation des surfaces de l’hôte par les bactéries est suivie de la production de toxines à action locale ou systémique, après transport dans la circulation sanguine, sur les cellules de l’hôte. L’adhésion peut aussi être suivie de l’injection d’effecteurs bactériens à l’intérieur de la cellule de l’hôte, provoquant des réarrangements à hauteur du cytosquelette et, le plus fréquemment, de l’entrée par phagocytose forcée de la bactérie dans la cellule eucaryote.
Les gènes qui codent pour les adhésines bactériennes peuvent être localisés sur des plasmides ou des îlots de pathogénicité. Leur expression est fréquemment sous l’influence des conditions physicochimiques extérieures de croissance (composition chimique du milieu, température, concentration en oxygène …) (voir leçon # 4). Les adhésines bactériennes ont aussi été utilisées par l’homme comme valences vaccinales, plus particulièrement contre les maladies entériques. Le futur réside probablement
en l’utilisation de diverses adhésines, comme porteur d’épitopes étrangers, afin de produire des
anticorps contre différents facteurs de virulence. Obtenir le PDF Personne de contact : JG.Mainil@ulg.ac.be |